Marie-Joséphine Colliec naît le 19 février 1899 au lieu-dit Le Combout, à Quimperlé, dans une famille intimement liée aux Papeteries de Mauduit, où son grand-père, Jean-Pierre Colliec, fut embauché comme ouvrier en 1856. Élève brillante, Marie suit les Ursulines lors de leur exil en Angleterre, après que celles-ci furent expulsées de leur couvent de Quimperlé le 3 avril 1907, en réponse à la loi Combes de 1904. Cette loi interdisait l’enseignement aux congrégations religieuses, même autorisées, et prévoyait la liquidation de leurs biens. Dès 1906, anticipant leur départ, les sœurs avaient entrepris de chercher un nouveau lieu où poursuivre leur mission éducative auprès des jeunes filles. Elles trouvèrent refuge à Beaconfield, près de Plymouth, dans le sud de l’Angleterre. Grâce à la renommée croissante de l’école, de plus en plus d’élèves y furent accueillies, nécessitant d’importants travaux d’agrandissement pour transformer le site en un véritable monastère. Comme de nombreuses autres pensionnaires, Marie bénéficie de l’enseignement des Ursulines en Angleterre. Elle étudie d’abord à Beaconfield, puis à Spetisbury, avant de revenir à Quimperlé à la fin de ses études. Sa parfaite maîtrise de l’anglais facilite son recrutement aux Papeteries de Mauduit lorsque l’entreprise fut rachetée par le groupe American Tobacco Company en 1917. De simple secrétaire, elle gravit les échelons jusqu’à devenir Présidente Directrice Générale de l’usine. Pendant son séjour en Angleterre, Marie possédait un petit album dans lequel ses amies et les religieuses avaient laissé de jolis dessins et citations. Cet album a inspiré le livre Vingt ans d’exil (1907-1927), un récit illustré relatant l’expulsion et l’exil au Royaume-Uni, basé sur les archives de Marie et des Ursulines de Quimperlé.
Dieu fit l’eau pour couler L’aquilon pour courir Le soleil pour bruler L’homme pour souffrir En souvenir des bons moments passés à Beaconfield. 16 octobre 1914 : Jeanne et M. Louise Pellé.
Je m’appelle Marie et suis une Bretonne. Enfant de Quimperlé, le plus doux des pays Je veux toute ma vie être pieuse et bonne. Travailler chaque jour à former la couronne Que tous les Colliec veulent au Paradis. J’ai seize ans aujourd’hui… 16 ans… pas davantage… C’est beaucoup néanmoins pour qui veut réfléchir. Si jamais j’ai vécu comme une enfant volage, Par un vrai changement, je veux marquer cet âge Dieu, vois mes bons propos et daigne les bénir.
À ma bien cher enfant Marie Colliec en souvenir de son 16e Birthday. 19 février 1915. Sr Marie Berchmans – St. Monica’s Priory, Spetisbury.
Il y a tellement de bon dans le pire d’entre nous, et tellement de mauvais dans le meilleur d’entre nous, qu’il ne sied à aucun de critiquer les autres. M. M. Gertrude, Ursuline, février 1915. Prieure, elle décède le 12 juillet 1915.
L’ange de la patience : Il marche avec nous, ce gentil ange et doucement et gentiment murmure : il est résigné à écouter et supporter. La fin le dira. Le cher Seigneur ordonne bien toutes les choses. St. Monica’s Priory – Sr Marie Augustin le 16 janvier 1916.
Apprends-nous, ô Seigneur, comment prier. Prier dans le calme, prier dans la tempête. Prier au réveil, et prier durant la journée. En allant et en venant, prier épuisé et distrait, prier quelle que soit votre répugnance, prier pour apprendre à prier. Sr Mary Angela. 14 mars 1915.
N’oubliez pas votre amie de trois mois qui va être « sea sick ».
Marie Louise Pellé, Beaconfield Collège le 16 octobre 1914.
Ce qui charme s’en va, ce qui peine nous reste, La rose vit un jour et le cyprès cent ans. Une exilée… le 2 novembre 1914.
Les blessures d’un ami valent mieux que les baisers trompeurs d’un ennemi. Une compagne de classe, Louise, le 18 octobre 1914.
Il y a un mot, Un petit mot, Cher à chaque pays, En Angleterre, c’est « Forget me not », en France, c’est « souvenir ».
Salut ! Champs que j’aimais et vous, douce nature. Et vous riant exil des bois. Ciel, pavillon de l’homme. Admirable nature. Salut pour la dernière fois. En exil.
Même si la distance nous sépare, restons toujours les meilleurs amis.
Mon plus bel enfant, je n’ai pas de chanson à te donner. Aucune alouette ne pourrait chanter vers les cieux, mais avant que nous nous séparions, je peux te laisser une leçon pour chaque jour. Mamie Mc Carty. 21 février 1915.
« Sois sage, douce jeune fille, et laisse ceux qui le veulent être astucieux. Fais des choses nobles, ne te contente pas de les rêver toute la journée. Et ainsi, fais de la vie, de la mort et de cette vaste éternité, une grande et douce chanson ». Aggy Jeans le 21 février 1915.
Un peu de travail, un peu de jeu, pour nous tenir en mouvement, et ainsi bonne journée. Un peu de chaleur, un peu de lumière de l’amour le plus tendre, et ainsi bonne nuit. Un peu de plaisir, pour compenser le chagrin de chaque jour qui grandit, et ainsi bon lendemain. Un peu de confiance que lorsque nous mourrons, nous récolterons ce que nous avons semé, et ainsi adieu. De Aggy à sa chère amie Mary
Les ailes de l’oiseau le porte où il veut ; ainsi notre pensée nous porte vers ceux que nous aimons.
Une amie de classe. Beanconfield 17 octobre 1914.
Une réponse douce détourne la colère, mais une parole dure excite la fureur. La langue des sages propage la connaissance, mais la bouche des insensés répand la folie. La Bible – Proverbe 15 – J.J. Tyndall. Le révérend John Joseph Tyndall est, en 1915, le prêtre de Spetisbury, résidant à The Priory House.
Ah ! Quand le dévouement s’est assouvi, Quand une noble mort suit une noble vie, Qu’importe le cercueil où s’arrêtent nos pas. Un héros peut mourir, mais son cœur ne meurt pas. Ainsi d’un homme, ainsi d’un peuple. Ô vieille France, Après tes nuits de deuil, l’aurore est l’espérance ! Espère ! Un jour, pour Dieu, tu marcheras en avant. La mort s’use sur toi ; ton cœur, France, est vivant. Une compagne de classe – Louise le 28 octobre 1914.
Les meilleurs amis, sont ceux qui ne savent pas flatter. Une amie, Reine – Beaconfield le 21 octobre 1914.
Les ailes de l’oiseau le porte où il veut ; ainsi notre pensée nous porte vers ceux que nous aimons. Une amie de classe. Beanconfield 17 octobre 1914.
« Ma chère Marie. Droite est la voie du devoir, courbée est la ligne de la beauté. Tiens-toi à la première et tu trouveras que la seconde te suivra.«
La vie ressemble à un beau lac. Tour à tour calme et agité.
Texte signé de Charles Colliec, frère de Marie.
« Jésus Hostie. Je n’ai qu’un désir ici-bas : être la petite violette du Tabernacle. Je fixe mes racines au pied de ton ciboire d’or. À toi, pour toujours, les parfums de ma petite corolle. En retour, Jésus, je ne te demande qu’un regard de ton cœur divin ». « Le cœur de Dieu, c’est le sein maternel où s’endorment toutes les peines et où s’oublient toutes les douleurs ». St. Monica’s Priory, le 17 mars 1915. Sr M. de Saint Jean, R.U.
« Mon cœur est comme un chou. Les feuilles sont divisées en deux. Je les donne aux autres amis, mais le cœur, je te le donne.« Jess
Le plus doux des plaisirs est de faire des heureux. Un salut militaire de « Riquiqui ». Le 12 novembre 1914.
« Quand des esprits honnêtes et des cœurs patients sont alliés, ils deviennent victorieux dans leurs destins les plus difficiles. » J. Suntherland
Le Bonheur est une fleur dont on ne goutte le parfum que dans la main d’autrui. Gaby Closquinet – 14 octobre 1914. Élève à Beaconfield, Gabrielle est née à Brest en 1897 et décédée à Royan en 1980.
Aimons plus que jamais notre mère en deuil et que la France nous soit plus chère à mesure qu’elle est plus malheureuse. 29 octobre 1914. M.C.
En février et mai 1919 deux amies de pension en Angleterre, dont Aggie Jeans, ont rendu visite à Marie à Quimperlé. Selon la tradition, un petit message a été laissé dans l’album.
« Reste du côté ensoleillé ». À ma très chère May, de la part de son amie, avec beaucoup d’amour. Aggie, le 3 mai 1919.
Le hasard a voulu que nous nous rencontrions. La destinée sans pitié a ruiné en quelques instants mon sincère désir d’avoir en vous une bonne camarade. Mes meilleurs souhaits vous sont assurés pour que vous puissiez sortir couvert de bonheur du chemin parfois épineux de ce monde. Quimperlé le 24 mai 1919.
Union de prières et de sacrifices dans le cœur de Jésus. Sr St Stanislas le 13 janvier 1915.
Le bonheur appartient à qui fait des heureux. Une amie d’exil. Anne Marie – Beaconfield le 17 octobre 1914.