Angéline est née le 20 Novembre 1892 à Quimperlé, au Gorréquer,  » le trou du Chat  » près de la Chapelle de  » Bon Secours « . (Cette Chapelle fut démolie vers 1960 pour y créer un parking……)

Elle est la seule fille parmi six garçons :
– Paul a résidé au Bourgneuf, il était menuisier
– Hypolite également au Bourgneuf et ensuite au Lézardeau, il faisait partie de l’Avant Garde, c’était un sportif accompli.
– Jean habitait au Poulou chez Monsieur et Madame Félix Diamant, il travaillait au Combout (Papeteries de Mauduit)
– Julien vivait à Quiberon, pêcheur, il possédait également le Café de l’Océan à Port-Haliguen.
– Joseph et Emile résidaient à Reims.

Angéline a quitté son Quimperlé natal au début de la guerre 1914/1918 pour rejoindre sa Marraine qui était depuis longtemps en Angleterre. Nous l’appelions la Petite Tante Anglaise.

Sa marraine était domiciliée au dessus de la « Cale d’Anaurot », quai Surcouf. Elle a toujours eu son appartement à cet endroit jusqu’à son décès. Son parrain Joseph était menuisier à l’Hôpital Frémeur de Quimperlé, il résidait dans son atelier, dans l’enceinte de cet hospital, près du pont découvert dernièrement par la ville de Quimperlé, à l’endroit où coule le « Dourdu ».
Angéline a rejoint Londres, elle est entrée comme contrôleuse d’obus et plieuse de parachutes, jusqu’à la fin de la Grande Guerre.

La guerre terminée, je ne sais pas si elle est rentrée un peu en France, mais elle est entrée comme Gouvernante dans de grandes familles bourgeoises à Londres sur recommandation de la « petite tante anglaise ». Puis elle est partie sur l’Ile de Jersey pendant de nombreuses années, toujours comme gouvernante, notamment pour la famille de John et Gladys WALDEN, bijoutiers sur Halkett place à St. Hélier. John WALDEN a créé en 1913 la chaine-pendentif du Connétable de Jersey. Jusqu’à son décès Angéline entretenait une correspondance avec les enfants et les petits enfants de ses employeurs anglais, qui sont venus également chez son fils et sa belle-fille.

Angéline était fiancé avec un soldat anglais, celui-ci a été tué à la guerre. De cette époque, elle a gardé la plaque d’immatriculation de ce soldat, une bague représentant une ceinture avec une ancre de marine et un matricule gravés à l’intérieur. Angéline donnera cette bague à son fils pour ses 16 ans et il la donnera ensuite à sa plus jeune fille pour ses 16 ans, (elle a faillit la perdre pendant un été en jouant au volley sur une plage de Guidel. Mais une bonne étoile était là, et à force de remuer le sable, Claude, qui résidait rue Madame Moreau l’a retrouvée, heureusement !!!).

Angéline à Londres
La bague et son pendentif
Son épingle de pardon

Puis Angéline est en France. Quelques temps après, elle rencontre son futur mari, Alfred qui était typographe près des halles en Basse-Ville, au dessus de la boulangerie de Marie Péron. Elle aimait raconter que son futur mari s’était agenouillé avec un bouquet de fleurs pour la demander en mariage. Ils se marient le 21 août 1920. De cette union est né un fils unique car son mari décèdera un peu plus de 2 ans après leur mariage, en 1927.

Angéline et Alfred
Alfred (flèche)
Alfred, Mélanie, Angéline et Jean. Jean est le frère d'Angeline, Mélanie son épouse.

Pour pouvoir travailler, elle a confié son fils à son frère Jean et à Mélanie, son épouse, pour pouvoir faire les saisons sur la côte Normande, principalement à Dinard. Son parcours lui a permis d’être rapidement Chef de Rang. Elle a également travaillé à « l’Hostellerie des Pins » à Kerfany (Moëlan-sur-Mer) chez Madame COREAU, à la fin des années 1920. Cette femme avait racheté le restaurant des Pins à Mélanie ROUAT, la célèbre « Mélanie », qui l’avait fait construire pour en faire une annexe de son restaurant du centre bourg de Riec-sur-Bélon.

Angéline au "Restaurant des Pins"

Après les saisons, elle a travaillé chez le Docteur le Stunff, père de Madame Notéris, chez Madame Marsille dont la famille dirigeait les Tanneries et ensuite elle a ouvert un commerce « La Concorde », place Saint Michel. Le soir elle était ouvreuse au cinéma Honoré rue de l’Hôpital, remplacé par le cinéma « Club » place des Haras. Cela l’a beaucoup aidé financièrement.

Angéline habitait 3, rue Thiers (la maison avec un lion au niveau de la façade). Elle avait loué un petit appartement tout confort, eau, électricité, toilette, WC. Ce qui représentait quelque chose à cet époque. (je me souviens de cet endroit, j’y suis née et j’y suis restée jusqu’à mes 3 ans).

Puis, elle a ouvert une crêmerie dans les halles de la Basse-Ville qu’elle a tenue pendant 32 ans. Elle allait chercher ses poulets et ses dindes, à « Kériazo » sur la commune d’Arzano, a pieds !!! et chez David rue Terre de Vannes. Son beurre sur le marché du vendredi place Saint-Michel et ses fromages étaient livrés par la Fromagerie de Cornouaille qui avait son dépôt rue du Couëdic (maintenant bureau des Ambulances Jussieux) Le siège devait se trouver à Ergué-Gabéric, la fromagerie a définitivement fermé en 1990.

Dans Les halles de Quimperlé

Angéline ne faisait pas de lait, elle laissait cette distribution à Madame Le Noc qui avait son commerce près de chez Madame Tregouët (maintenant une librairie) et à côté de chez Madame Cotonnec. Par contre elle faisait, et cela pendant de nombreuses années, d’excellents coeurs au lait à la crème.
Elle avait loué un garage près des escaliers du « Poradec » rue de Quimper, immeuble de Monsieur Le Gall « chauffagiste », cela lui servait d’atelier pendant la Guerre 1939-1945.

A cet époque, elle aimait se promener avec une petite poule blanche sur son épaule qu’elle avait nommée « Fridoline »… Angéline n’avait peur de rien,
Elle alimentait également le Maquis Quimperlois, son fils unique faisait partie du Groupe « Vengeance ». Mais dans la famille, y compris plus tard, cette époque est restée sous silence, un respect total pour cette époque et pour ses combattants de l’ombre, y compris avec son fils.

7 rue Thiers, chez Hélène Nédellec : confectionneuse de coiffes
rue Thiers avec Moutte dans les bras
rue de Quimper

Angéline a vendu son commerce et elle est venue habiter chez ses enfants un peu plus haut, rue Bellevue. Elle y avait son indépendance totale, elle cultivait le jardin, surtout les fleurs et les fraises, partait en vacances souvent à Jersey où je l’accompagnais. Elle louait une maison à Georgetown Park, pour trois semaines (la maison existe toujours).

La maison des vacances jersiaises

 Nous prenions l’avion à Saint Brieuc (la Compagnie Rousseau Aviation) le Commandement de Bord lui avait demandé si elle faisait partie de cette famille (mais non!!!) Yous les jours à Jersey nous allions écouter une fanfare qui jouait dans un kiosque à Musique. Cette fanfare est venue aux Fêtes de Toulfoën, certains des musiciens sont venus la voir rue Bellevue.  Elle était heureuse).
Elle m’a offert également en avant première la sortie du Film « Yellow Submarine » des Beatles. Dans le cinéma, il y avait un restaurant et un bar : Angéline avait pris un cocktail et moi un coca et elle me disait : « tu peux aller danser, mais fais attention, je connais bien les Anglais…. » Ce que j’aimais le moins était la visite chez ses amies pour le « Tea Time » et les moments où nous faisions de la broderie. Il n’y avait pas une parole en français, mais depuis ces vacances, je brode beaucoup.

Angéline partait aussi au Pradet, près de Vallauris, mais cette fois seule et en train (de Quimperlé). Elle partait avec la Caisse de Retraite des Typographes, car au décès de son mari, elle avait continué à cotiser à cette Caisse. Déjà à l’époque, elle avait « la tête sur les épaules ». C’était compliqué, mais elle le faisait.

Angéline au Pradet (83)

Angéline n’a jamais été malade :  lorsque le médecin venait lui rendre visite, il y avait toujours un bâton près de sa porte de chambre. Quand Alain, le mari de sa petite fille lui posait la question : « quelle est la chose qui vous a impressionnée le plus dans votre vie ? », elle lui répondait d’une voix émerveillée :  » l’électricité mon garçon, l’électricité, et elle restait pensive ».

Angéline s’est est allée paisiblement, le 15 Août 1986, un vendredi, il faisait très chaud, son médecin doit s’en souvenir, il est né un 15 Août. Son fils lui a aussitôt retiré son alliance, il l’a donnée à sa petite fille, qui ne l’a jamais quittée depuis ce jour.

Angéline était ma grand-mère, Ma MÉMÉ, mon modèle. Je lui parle souvent, elle me manque énormément, elle m’a beaucoup aidée en Anglais, ne savait pas le Breton et souvent elle mélangeait le Français et l’Anglais. Il parait que je lui ressemble, surtout le caractère ce dont je suis fière !!! Elle n’aura jamais connue sa dernière arrière-petite-fille qui est née en 1987, et qui porte en 2ème prénom, le sien, ANGÉLINE, et, qui, pour boucler la boucle, a coupé le ruban tricolore lors de l’inauguration des nouvelles Halles en Basse-Ville.

Je t’aime Mémé, tu me manques tous les jours.

Ta petite fille « Moutte »

© « Moutte » pour Panoplie de vie – Février 2024