Texte inspiré par la restauration d’une chapelle et de sa fresque à l’intérieur d’un hôpital
(Association de Restauration du Patrimoine – PARR).

La Chapelle

Blottie entre le lieu où reposent les morts
Et les grands pavillons où l’on traite le sort
De ceux qui fatigués ou gravement malades
Renoncent pour un temps à toute promenade.
Elle vieillit doucement, sans que les médecins
Pensent qu’elle pourrait mériter quelques soins.
Sa toiture de tuiles qui protège la voûte
A laissé passer l’eau qui suinte goutte à goutte.
Ses pièces de charpente, si solides autrefois,
Voient pourrir peu à peu les tenons et les bois.
L’ensemble du décor est en bien triste état.
Les murs aux couleurs claires ont perdu leur éclat
Et commencent à montrer, comme une vieille dame
La fatigue des ans et les rides de l’âme.
Les aménagements, tableaux et mobiliers,
Sentent le poids des ans et du dépareillé.
Pourtant elle joue son rôle et tous les jours accueille
Ceux qui près de leurs morts pleurent et se recueillent.
Elle est ouverte à tous, catholiques, protestants;
Elle abrite aussi bien athées ou musulmans.
Elle aimerait beaucoup que quelqu’un l’entretienne,
Lui rende sa jeunesse avant que ruine vienne.
Elle aimerait surtout, ce qui lui tient à coeur,
Sauvegarder la fresque qui habille son choeur.
Le tendre bleu du ciel a noirci sous la crasse.
Les bistres pointillistes devenus marronnasses.
Des raccords maladroits soulignent les fissures.
Les familles en prière ont bien triste figure.
Les anges grisonnants révèrent une Madone
Dont la silhouette triste aux regards s’abandonne.
Elle n’a rien demandé, sans doute trop secrète
Et c’est avec surprise, tout en restant discrète,
Qu’elle voit défiler maints et maints personnages
Au nom du patrimoine, voulant son sauvetage,
Remuant ciel et terre, non pas seulement le ciel,
Pour lui redonner vie en sauvant l’essentiel.
Elle eut sa crise de foi, car, après tant de promesses,
Il ne se passait rien et le rythme des messes
En l’honneur des défunts était son seul espoir.
On avait besoin d’elle et si les encensoirs,
Comme les chandeliers salissaient son décor,
Ses parois et ses poutres, c’est qu’elle vivait encore.
En lieu de sainteté, elle croyait aux miracles
Et fut récompensée en voyant le spectacle
D’artistes, architectes et autres spécialistes
Venir pour l’ausculter et préparer la liste
Des travaux à prévoir pour sa restauration.
Devant tant d’énergie et tant d’animation,
Elle comprit enfin, avec grande allégresse,
Qu’elle allait retrouver un peu de sa jeunesse.
Des mois de petits et de plus grands travaux
L’ont alors transformée et rendu à nouveau
L’image de lumière, douce et accueillante,
Qu’elle voulait offrir aux familles présentes,
Lors des enterrements et pendant les prières,
Pour tous ceux en chemin vers leur demeure dernière.
Les anges de la fresque ont presque le sourire,
Les autres personnages ont même l’air de dire
Merci, un grand merci d’avoir pensé à nous.
Patrimoine sauvé nous revenons à vous !

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