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Jim WANGO est né le 11 février 1897 à Boulé Yango au Congo Français de Sam WANGO et X. KAMANGEL. Son patronyme officiel est Joseph Wango, il se fera appelé Jim en devenant un sportif reconnu.
JIM WANGO : LE LUTTEUR QUI ÉBRANLA LES J.O.
Le Congo français était une colonie composée de l’actuel Gabon et de la république du Congo de 1882 à 1906, puis uniquement de la république du Congo. La capitale était Libreville jusqu’en 1904, puis Brazzaville.
Nous pouvons supposer qu’il arrive en métropole du fait de la guerre 1914-1918 dans le corps de tirailleurs sénégalais dont plus de 135 000, recrutés dans toute l’Afrique Occidentale Française, furent engagés dans les combats en Europe. N’étant probablement jamais rentré en Afrique, il commence, à partir du 5 janvier 1922, une carrière de boxeur professionnel (31 combats, 7 victoires, 6 matchs nuls, 18 défaites) dans la catégorie poids mi-lourds. (Source : BoxerList)
Jim sert aussi de sparing-partner à plusieurs combattants français et étrangers (par exemple le sénégalais Battling Siki, champion du monde en 1922 contre Georges Carpentier) et ses différents combats seront relatés dans la presse parisienne ou provinciale.
Après sa carrière de boxeur, Jim entamera celle de lutteur et se produira souvent dans des spectacles de cabarets ou d’opéra.
Si l’évolution de Jim semble logique, celle d’apparaître dans des spectacles de variétés est plus étonnante : quoique son physique correspondait sans doute aux personnages. L’autre raison probablement, est le fait que, sous son prénom de Joseph, Jim épouse le 4 septembre 1926 Marie Josèphe INQUEL. Faîtes défiler les images ci-dessous nous révélant quelques articles de presse concernant Jim WANGO.
Marie Josèphe est née le 21 janvier 1897 au village de Kervivel sur la commune de Guilligomarc’h, petit bourg du Finistère. Ses parents sont cultivateurs, son père Yves INQUEL décède le 27 juin 1923 à l’age de 58 ans, sa mère, Marie Josèphe ULVOA, décède le 21 novembre 1929, soit trois ans après le mariage de Marie avec Joseph WANGO. Comme de nombreuses jeunes filles bretonnes, Marie à émigré vers la région parisienne à la recherche du bonheur et surtout du travail. La Bretagne de l’époque est encore très pauvre et l’avenir y est attristant et hypothétique.
Au moment de leur mariage, le 4 septembre 1926 à la mairie du 19e arrondissement de Paris, . ils demeurent au n° 19 de la rue de Meaux dans ce 19e arrondissement. Marie est ouvreuse au théâtre Marigny. Ceci peut expliquer l’intrusion de Joseph Jim WANGO, dans le milieu artistique, mais plus probablement le fait que les combats de lutte étaient souvent organisés dans des salles de spectacle tels que Le Casino de Paris, Les Folies Bergères, Le Moulin Rouge, la Salle Wagram, le Gymnase Japy, La Grande Roue, Le Bowling Palace de Neuilly, Le Tabarin, Le Palais de la Mutualité et à Bordeaux, les compétitions se déroulaient au Grand Théâtre ou à l’Alhambra. Le dénouement tragique de cette histoire se déroule en mars-avril de l’année 1935. Jim WANGO est alors à Nuremberg en Allemagne pour prendre part à un concours de lutte professionnelle, avec en vue une participation aux Jeux Olympiques de Berlin qui doivent se tenir l’année suivante, du 1er au 16 août 1936. Nuremberg a connu l’instauration de lois raciales en 1935 et de grands rassemblements du parti nazi. Jim était une vedette sportive qui attirait le public et le vélodrome où il se produisait faisait salle comble tous les soirs. Mais, au nom de la race blanche, le gouverneur de Franconie, ancien duché annexé à la Bavière en 1815, Julius Streicher, pris position contre Jim : il considérait que la défaite d’un homme blanc contre un homme de couleur était un déshonneur et la presse allemande écrivait que, si Jim gagnait ses combats, « ce n’était que grâce à sa peau huileuse et lisse lui permettant de glisser littéralement entre les bras de ses adversaires ».
Il fut interdit de combattre, son contrat fut résilié et tous les commerçants refusèrent de lui vendre toute nourriture que ce soit. Abandonné alors qu’il était malade, le médecin appelé par l’impresario de Jim, trouvant déshonorant de soigner un homme noir, de plus français, le laissa sans traitement adapté. Il fut renvoyé bien trop tard à Berlin où il habitait depuis un an. Un autre médecin l’examina, le fit hospitaliser dans une clinique où il décèdera le 3 avril 1935. Sa dépouille ne fut pas rapatriée en France, on l’enterra au cimetière de Hohenschönhausen à Berlin.
Jim WANGO, son histoire va émouvoir une partie de la presse. Un article parait même dans le Milwaukee Journal le 11 mars 1935. Depuis cette date du 11 mars 1935 jusqu’à l’annonce de son décès, Marie n’eut plus de nouvelles de son époux.
Début avril premier article du Petit Journal (06 avril 1935).
Puis La France de Bordeaux et du Sud-Ouest le 6 avril 1935 et le 8 avril 1935 :
Le 7 avril l’information parait également dans L’indépendant des Basses-Pyrénées
Son épouse, Marie INQUEL, pourra se rendre aux obsèques de Jim WANGO qui eurent lieu à Berlin le 6 avril 1935, pris en charge par l’Ambassade de France.
Une souscription est ouverte par la F.F.L.P. pour venir en aide à Marie et l’on célèbrera un service religieux à l’église Saint Georges de la Vilette, paroisse du quartier des époux Wango.
Le 4 mai 1935 paraît un long article dans Le Petit Journal, quotidien parisien, relate la tragique fin de Jim.
Quelques mois plus tard, en 1936, Marie habite toujours rue de Meaux dans le 19e arrondissement de Paris, mais elle a quitté le n°17 pour le n°42. Il est probable que ses moyens financiers avaient fortement baissés après le décès de Jim et que ses revenus d’ouvreuse de théâtre étaient modestes. Toujours domiciliée au 42 rue de Meaux, elle décèdera le 25 mai 1987, à l’âge de 90 ans, à l’hôpital Broussais dans le 14e arrondissement. Son acte de décès confirme qu’elle ne se remariera jamais, elle restera fidèle à son « JIM »… (Source : acte de décès).
Voici deux destinées attachantes mais dramatiques : celle d’un jeune africain, Joseph Jim WANGO, né français dans l’ancien Congo, reconnu dans le milieu sportif métropolitain et international, décédé tragiquement loin de son épouse, Marie Josèphe, la petite paysanne bretonne « montée » à la capitale dans les années 1920. L’homme qui aurait pu être à l’origine de l’annulation des J.O. de Berlin en 1936. Qu’imaginer des réactions à Guilligomarc’h, ce petit bourg du Finistère, quand, et surtout si, l’histoire de ce couple a transpiré dans les campagnes !!!
« La mort du lutteur a provoqué une tempête mondiale. L’ambassadeur de France a demandé au gouvernement allemand « si les pays qui envoient des délégations olympiques, y compris des athlètes de couleur, peuvent s’attendre à être exposés à des incidents aussi douloureux que l’on a connu à Nuremberg et risquer que certains de leurs concurrents soient bannis de certains événements ? » La tourmente s’est étendue aux États-Unis. Des demandes ont été faites pour que les Jeux de Berlin soient boycottés ou que les Jeux soient transférés dans un autre pays. Plus tard la même année, une loi a été adoptée. en Allemagne réduisant le statut du peuple juif à celui de citoyens de seconde zone ». (Extrait d’un article de l’histoire de la lutte britannique : Britixh Wrestling History).
Voici la traduction complète de cet article ci-dessous :
Les membres de Wrestling Heritage sont bien conscients de la controverse entourant le succès de l’athlète noir américain Jesse Owens aux Jeux olympiques de Berlin en 1936 en Allemagne nazie, où Adolf Hitler a refusé de décerner ses médailles.
Les fans de combat, eux aussi, ne sauront que trop bien l’excitation de la même année lorsque l’Allemand Max Schmeling a eu le premier de ses deux combats mémorables contre le Black Bomber américain, Joe Louis, qui a conduit l’Allemand au défi du championnat du monde de boxe poids lourd. des années plus tard, toujours sur fond de propagande nazie et sous la pression du Führer lui-même.
Cependant, c’était un an plus tôt que la lutte avait déclenché le débat racial concernant les sportifs sous le régime nazi en plein essor. Schmeling à la peau blanche avait, assez ironiquement, été surnommé auparavant le « Lancier noir du Rhin ».
Jim Wango était un lutteur poids lourd de 6’5″ (1,98 m) engagé à Marseille, mais né à Brazzaville, au Congo. Dans « Blue Blood on the Mat », l’auteur et adversaire Athol Oakeley décrit comment Wango a ravi les fans parisiens en sautant à 4 mètres 50 du premier balcon de la salle après ses combats, seulement pour atterrir au centre du ring en grand écart. Oakeley a raconter la fantastique attraction sportive pour une série de combats au Royaume-Uni, et Jim Wango a été la tête d’affiche de la toute première présentation de lutte au Victoria Palace en 1932, avec d’autres stars familières également engagées, notamment Cordite Conroy, King Kong Curtis et Norman the Butcher Il a séduit les fans et les adversaires en bondissant sur le ring par-dessus la corde supérieure, hypnotisant apparemment les adversaires avec ses yeux exorbités et menaçant toutes sortes d’hypnotisme en écartant ses grandes paumes ouvertes devant le visage de l’autre lutteur, et les Allemands n’ont pas tardé à inviter.
L’Olympic Games-News Service était un magazine de langue anglaise publié à Berlin qui partageait avec le monde les préparatifs des Jeux Olympiques de l’année suivante. Partageant la première page il y avait une citation tirée de l’introduction du Reichsfuhrer au livre de Friedrich Mildner qui sera bientôt publié « Olympia 1936 Physical Training in a Socialist State ».
« La compétition chevaleresque sportive éveille les meilleurs attributs humains. Elle ne sépare pas mais unit les adversaires dans la compréhension mutuelle et le respect réciproque. Elle contribue également à tisser la paix entre les nations. Que la flamme olympique ne s’éteigne donc jamais ».
En 2013, cependant, Allan Best, membre éminent de Wrestling Heritage, a découvert et partagé une série d’événements surprenants qui sont devenus connus sous le nom d’incident de Wango. Allan reprend l’histoire : À l’approche des Jeux olympiques qui se tiendront à Berlin, un incident s’est produit qui a entraîné une condamnation internationale et a presque déplacé les Jeux dans un autre pays. En mars 1935, à la manière de la lutte allemande encore maintenue aujourd’hui, un tournoi de lutte professionnelle de plusieurs semaines se déroule au vélodrome d’Herkules à Nuremberg. Le lutteur noir Jim Wango battait tous devant lui, battant lutteur après lutteur, tous étant blancs. À l’une de ces réunions vint Julius Streicher, l’infâme Gauleiter (gouverneur) de Frankonie dans la province de laquelle se trouve Nuremberg. Au cours de la soirée, Streicher a bondi sur ses pieds pour prononcer un discours passionné. « Nous sommes en faveur des compétitions sportives », a-t-il commencé, « y compris la lutte dans le cadre des sports de force. Ce à quoi nous nous opposons, c’est l’association du sport avec de sales intérêts commerciaux et des trucs de vente. C’est un truc de vente, un appel aux gens, aux sous-hommes, de mettre un nègre en vue et de le laisser rivaliser avec les blancs. Ce n’est pas dans l’esprit des habitants de Nuremberg de laisser les hommes blancs être soumis par un homme noir. Quiconque applaudit quand un homme noir lance un homme blanc de notre sang jusqu’au sol n’est pas un Nuremberger. » Le chaos a suivi. Les paroles de Steicher ont été acclamées et « il n’y avait pas de fin à la jubilation » lorsque le Gauleiter a annoncé que, parce que l’homme noir avait généré une excitation malsaine, la police lui avait interdit de participer à d’autres tournois. Le Frankish Zeitung, un journal nazi, a rapporté : « Il était intéressant d’observer comment les lutteurs réagissaient lorsqu’ils étaient libérés du fardeau de la participation du nègre. Il n’y avait plus de mauvaises performances. des combats parfaits. »
Jim Wango s’est retrouvé ostracisé par les habitants de Nuremberg au point qu’ils ne voulaient même pas lui vendre de la nourriture. Le directeur de Wango, réalisant qu’ils ne recevraient aucune aide, l’a transféré à Berlin, où Wango serait immédiatement tombé malade. À son entrée à l’hôpital, on lui a diagnostiqué une grave maladie rénale. Il était trop tard, Jim Wango est décédé quelques heures plus tard.
La mort du lutteur a provoqué une tempête mondiale. L’ambassadeur de France a demandé au gouvernement allemand « si les pays qui envoient des délégations olympiques, y compris des athlètes de couleur, peuvent s’attendre à être exposés à des incidents aussi douloureux que l’on a connu à Nuremberg et risquer que certains de leurs concurrents soient bannis de certains événements ? » La tourmente s’est étendue aux États-Unis. Des demandes ont été faites pour que les Jeux de Berlin soient boycottés ou que les Jeux soient transférés dans un autre pays. Plus tard la même année, une loi a été adoptée. en Allemagne réduisant le statut du peuple juif à celui de citoyens de seconde zone.
Les Jeux ont eu lieu, bien sûr, mais le fantôme de Jim Wango est revenu hanter le Führer. La star des Jeux était Jesse Owens, qui a remporté quatre médailles d’or et était l’idole des foules. Il existe de nombreuses histoires sur la façon dont Herr Hitler a répondu à l’attribution de médailles à l’athlète, l’un dit qu’il a tourné le dos à Owens, d’autres qu’il a trouvé une excuse pour s’absenter de la cérémonie. Quelle que soit la vérité, cela a dû affliger le Führer. On a beaucoup parlé dans le passé de la mauvaise performance de l’équipe de lutte olympique britannique de 1936 dont les membres comprenaient de nombreux grands hommes, dont Norman Morrell, mais quand on considère le cas du lutteur de poids moyen Les Jeffers, un policier métropolitain qui, parce qu’il a été donné pas de temps libre, a dû s’entraîner après ses longs quarts de travail sur le rythme. Lorsqu’il est arrivé au camp d’entraînement de Berlin, il a constaté que l’équipe turque était arrivée plusieurs mois auparavant et qu’elle était parfaitement acclimatée. Il en fut de même pour tous les athlètes britanniques qui devaient s’en tenir strictement au code amateur et étaient donc fortement handicapés par rapport aux « professionnels » des autres pays concurrents.
Jeffers a souvent dit que lorsqu’il a été présenté à Adolf Hitler, il aurait pu le tuer et sauver de nombreuses vies. Eh bien, il pouvait rêver. Pour l’histoire complète des Jeux de 1936, je recommanderais « Hitler’s Games » de Duff Hart-Davies, « publié en 1986 par Century Hutchinson. »
Heritage remercie Allan Best d’avoir porté l’incident de Wango à notre attention. Cela a permis aux écrivains de Wrestling Heritage de replacer cette controverse sur la lutte dans son contexte historique et de souligner une fois de plus, dans un monde de sceptiques et des détracteurs, à quel point la lutte était importante et populaire dans le monde avant même la guerre et que, à bien des égards, cette fois. malheureusement triste, Wrestling a vraiment ouvert la voie. Des recherches plus approfondies révèlent que les autorités françaises ont soutenu que Wango avait été brutalisé à Berlin où il est décédé le 5 avril, sept jours seulement après l’interruption définitive de son dernier combat.
Après la mort de Wango, le nom Black Devil a continué à être utilisé par un lutteur d’origine antillaise, Dave Smith, qui vivait à Dewsbury. Comme son prédécesseur, Dave Smith était un personnage extraverti avec un point commun, alors qu’il était en train de vaincre le lutteur japonais Yoshoko, déclarant que le Black Devil « … a crié et a couru autour du ring comme s’il avait été piqué par un essaim d’abeilles. «
De la même manière que Jim Wango a sauté par-dessus les cordes au début de ses combats, cette recherche lui a permis de prendre une signification encore plus grande. Son style de lutte a été assez clairement transmis au policier gambien récemment arrivé Masambula en 1952; et il ne fait guère de doute ce qui était dans l’esprit des promoteurs lorsqu’ils ont à la hâte accordé à leur dernière recrue John Lagey, peu de temps après la mort de Wango, le nom encore désormais familier de Johnny Kwango.
Source : 21/09/2021 Wrestlingheritage
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