Note du modérateur : Merci à Anne Louise, la fille de Paul et de Cécile, elle a eu la bonté de nous confier de document et surtout de nous autoriser à le publier. Je peux certifier que Paul était généreux, humaniste, brillant, d’une droiture sans pareille et doué d’un humour dévastateur … C’est une fierté d’avoir l’exclusivité de cette publication.
Si vous vous êtes promenés sur le site, vous avez peut-être lu l’histoire généa-récits de Marie Rose : eh bien ! Cécile Ropers, l’épouse de Paul, était une descendante de Marie Rose Gourlaouen : quelle partie de « rigolade » s’il l’avait appris …

Tranches de vie de Paul Pronost

Itinéraire d’un breton de Landéda,
fils de marin, petit-fils de paysans,
devenu ingénieur à Paris dans les années 1950

Ce « généa-récit », illustré de quelques photos de famille, n’a d’autre but que de faire voyager le lecteur à travers une époque, celle de 1928 à 1950, en passant du Finistère à Hourtin, Casablanca, Nantes, Paris…
A travers ces tranches de vie, on découvre l’itinéraire d’un jeune homme très attaché à ses origines bretonnes, qui trace son propre chemin, animé par ce goût d’apprendre et ce goût des autres.

Ses écrits (différents brouillons), ont été retranscrits par Anne-Louise, sa fille, en septembre 2021. Elle a gardé la simplicité de l’écriture pour en préserver l’authenticité.
Une façon de lui rendre hommage avec amour et fierté. Une façon de revenir aux sources.

Je suis né à Toulon le 1er février 1928. J’ai des trous de ma plus jeune enfance. Je n’ai pas noté ce que l’on m’a dit. Je sais que j’ai passé quelques mois à Toulon et nous sommes sans doute revenus à Landéda.
Mon père était dans la marine nationale. Ma mère était au foyer. Comme beaucoup de femme de marin, elle suivait son mari au gré des affectations et élevait les enfants, en l’occurrence moi, puisque j’étais fils unique.

Mes parents étaient nés le même jour, le 15/02/1903. Ils se sont mariés à Landéda, le 18/10/1926.

MES GRANDS-PARENTS

Je n’ai pas connu mes arrière-grands-parents. Je n’en ai pas entendu parler. Je ne sais pas si ma mère ou mon père ont connu leurs grands-parents.

Jean Marie Pronost - Marie Jeanne Le Verge

 

Mon grand-père Jean- Marie Pronost était né le 23/01/1874 à Landéda.
Il a épousé Marie-Jeanne le Verge, le 4/05/ 1902. Mon père est né de ce mariage le 15 février 1903. Ma grand-mère est décédée le 13/03/1905, à l’âge de 25 ans. Mon père avait 2 ans et l’a donc peu connue et moi encore moins. Mon grand-père s’est remarié avec Marie-Anne Leroux en 1908. De cette union, il n’y a pas eu d’enfants. Mon père était donc le fils unique. Mon grand-père a été marin de l’état dans la Royale. Il a fait la guerre de 14 dans les Dardanelles. Marie-Anne Leroux était couturière de métier, elle allait coudre dans les fermes à la journée.

Mon grand-père était peu souvent à la maison au gré des embarquements, il était souvent au loin comme beaucoup de marins. Mon père sans avoir été malheureux n’avait pas particulièrement d’affection pour sa marâtre.
Il semble qu’elle avait voulu que mon père épouse une de ses nièces, ce qui ne s’est pas fait. Mes parents et grands-parents se sont donc fâchés. Je n’ai pratiquement pas connu mon grand-père. Je passais pourtant devant sa maison à Poulcansot en car.

Il me semble, sans en être sûr, qu’ils sont venus à Brest pour ma première communion en 1939. Je ne me souviens plus pourquoi, j’ai été invité et je suis allé les voir en 1941 avant de partir pour Casablanca. Je n’ai plus revu mon grand-père qui est décédé pendant la guerre, le 26 juin 1943. Mon père a été prévenu de la mort de son père qu’il l’a donc perdu sans le revoir. Quand nous sommes revenus du Maroc en 1945, la marâtre habitait toujours la maison de Poulcansot qu’elle a quitté en 1946 et que nous avons donc récupérée. Elle est morte en 1966 à Landéda. Je regrette maintenant de n’avoir pas connu mon grand-père. Je pense que lui aussi a regretté cette rupture. Il n’avait qu’un fils et un petit fils. Je ne savais pas ce qu’il pensait. Il allait beaucoup à la pêche comme les gens du coin, j’aurais certainement beaucoup appris à son contact moi qui aimait la mer.

Mon grand-père et ma grand-mère maternels

Laurent Tillenon - Michelle Bergot

J’ai bien connu mes grands- parents maternels, Laurent Tillenon, né le 21 janvier 1868 à Lannilis et Michelle Bergot, née le 13 mars 1869 à Plouvien. Ils se sont mariés le 17 juillet 1898. Quand ils se sont mariés, il y avait en même temps le mariage d’une sœur de mon grand-père avec un frère de ma grand-mère. Ils tenaient une ferme à Lannilis, au Coum Braz près de Prat ar Coum. Ils étaient locataires. Ils ont cédé la ferme en 1939, au début de la guerre pour venir vivre en appartement à Lannilis. Je les ai beaucoup connus et ils remplissaient une bonne partie de ma jeunesse.
Ils eurent 3 enfants, un garçon et 2 filles.

Jean Marie Tillenon - Josèphe Gouriou

 

Jean-Marie Tillenon est né en 1900 à Lannilis. Il a épousé Josèphe Gouriou en 1930. Il n’y a pas eu d’enfants. Il est décédé en 1979 et est enterré avec mes parents.

Marie Tillenon - Joseph Cabon

Marie Tillenon, née en 1901, décédée en 1963, a épousé Joseph Cabon en 1930. Ils tenaient une ferme à Lannilis, à Kerscao.
Ils ont eu 3 enfants : Jean, Marie et Anne.
– Jean n’a pas voulu rester à la ferme. Il a travaillé chez Citroën puis à l’EDF dans la région parisienne.
– Marie, de santé fragile, est entrée en religion à la mort de sa mère.- Anne, appelée Annick, est restée à la ferme de Kerscao. Elle a épousé Goulven Simon, de Plabennec. Ils ont eu 4 enfants : Joseph, Jean-François, Hélène, Claire. Joseph a repris la ferme dans les années 1990 en travaillant avec son père. Annick est la cousine germaine dont je suis le plus proche.

Louise Tillenon, ma mère - Paul Pronost, mon père

 

– Louise, ma mère, née le 15 février 1903, comme dit précédemment, a épousé mon père Paul Pronost en 1926. Ils ont donc eu un enfant en 1928, moi, Paul Pronost.

A la ferme de Coum Bras, vivaient également mon oncle Jean-Marie et ma tante Josèphe. Quand mon oncle Jean-Marie, après avoir été mobilisé pour faire la guerre sur la frontière italienne à Sospel, a été démobilisé, mon oncle et ma tante sont venus vivre à Lannilis.
Mes grands-parents aussi. Ils ont fini leur vie chez leur fille Marie à la ferme de Kerscao. Mon grand-père est décédé en 1941 quand nous étions à Casablanca. Annick se souvient qu’il avait perdu la tête, qu’il fallait parfois l’enfermer dans le lit clos pour qu’il ne s’échappe pas. Ma grand-mère est décédée en 1946, je l’ai donc revue après la guerre.
Mes grands-parents étaient exclusivement paysans. Il faisait de l’élevage et des céréales. Ils n’étaient pas comme beaucoup d’autres, paysans et goémoniers. Ils n’avaient donc pas de lien avec la mer. Dans les pages qui suivent vous découvrirez ce qu’a été sa vie à Landéda, à Hourtin, Brest, Casablanca, Lannilis, Nantes, Paris, Nîmes …

LANDEDA 1928 -1932

Mon père a été désigné pour l’Indochine. Il est allé à Saigon en 1930. Il n’y est pas resté longtemps car il ne supportait pas le climat humide de la mousson.
Ma mère et moi nous avons vécu à Landéda à cette époque-là. Je commence à avoir quelques souvenirs. J’ai habité à Landéda à plusieurs reprises. Je me souviens de 3 habitations :
  ° Sur la route du presbytère, chez Florence la repasseuse de coiffes, j’étais petit. Nous habitions là quand j’étais à la maternelle, j’allais à l’école et je revenais à la fin de la recréation.
  ° Sur la place de l’église
  ° A Ty Corn, en vacances de 1936 à 1939, donc entre 8 et 11 ans.

  1. L’épicerie qui était sur la place de l’église a joué un grand rôle dans ma jeunesse. J’avais été adopté par les femmes qui tenaient l’épicerie. Il y avait Marianne, sa fille Lucie, sa sœur Yvonne et Marie. J’y étais chez moi. Quand j’étais plus grand, je rendais des petits services. Le samedi, j’avais souvent une lourde responsabilité : je pesais et préparais les paquets de sucre en poudre et de café de 250gr et 500gr car le dimanche, à la sortie de la messe, il y avait de nombreux clients. Pour éviter d’attendre, les paquets étaient prêts.

Il m’arrivait aussi quelquefois sur la semaine, de laver et d’essuyer les verres au fond du café. De temps en temps, je passais un coup de balai. En compensation, j’avais souvent le café à 4h et le droit d’écouter le phonographe et les disques des chansons à la mode. Il y avait aussi l’arrêt des cars : Bodizer d’abord, puis de la SATOS ensuite. Les chauffeurs étaient chez eux. Il y avait Jean Pronost, François Pronost et Jean Caradec. 
Jean Pronost, dit Janick an Touz, était le plus sympathique. De temps en temps, je balayais son car. Comme récompense et quand l’arrêt au terminus de l’hôtel des Dunes n’était pas trop long, Jean Pronost nous emmenait dans son car en fin d’après-midi de préférence. Il y avait peu de monde pour aller du bourg de Landéda aux Dunes. Nous nous mettions au fond du car et nous chantions à tue-tête. Pour la traversée de la grève à Poulcansot, les jours de grande forme, Janick faisait des tours de car dans la grève pour notre plus grand plaisir. A cette époque, il n’y avait pas la digue.
J’ai fréquenté occasionnellement les écoles de Landéda.
Tout d’abord l’école des Sœurs, c’est là que j’ai fait mes premières classes. J’ai peu de souvenirs mais il m’est arrivé de revenir à la maison à la fin de la récréation à la plus grande surprise de ma mère.
J’ai passé aussi quelques mois à l’école des garçons à côté de la mairie dans la classe de Mme Signor. Son mari avait la classe du certificat d’études. Je me souviens qu’il lui arrivait de se mettre en colère. Parfois, elle envoyait les élèves dans la classe de son mari qui n’était séparé de sa classe que par une cloison. J’y suis retourné en 1936 quand nous sommes revenus de Hourtin et avant l’affectation de mon père au dépôt de Brest.

A Landéda, j’avais quelques copains habitant comme moi au bourg. Nous avions l’habitude de nous retrouver sur la place au bout de l’église et nous passions le temps comme nous pouvions à l’affut du moindre événement.
Il faut dire qu’à l’époque la circulation automobile était faible et nous pouvions nous ébattre sans grand risque. Nous discutions bien sûr, parmi nous, il y avait des petits, des moyens et des grands.
Le vélo était également une occupation favorite et nous faisions des tours de l’église. Nous étions à l’affut des baptêmes, mariages et enterrements. Pour les baptêmes et les mariages, il y avait des volontaires pour aider le bedeau à sonner les cloches. Tout se faisait à la main.
Les plus grands accédaient au deuxième étage du clocher et le grand jeu était de faire faire un tour à la cloche.
Il y avait le passage de cirques dans les communes et nous assistions à son installation en espérant aller à la représentation. Il y avait aussi l’installation des boutiques et des manèges du Pardon du 15 aout.
Il y avait au mois de mai, le mois de Marie, l’office religieux le soir. Nous y allions pour passer le temps plus que par conviction religieuse et pour écouter la chorale de Landéda.
Il y avait les évènements insolites comme le passage dans le bourg de Goaker, un mendiant qui criait et gesticulait. Nous le poursuivions bien sûr en criant GOAKER, GOAKER, il faisait semblant de nous poursuivre à notre plus grande joie mais il était incapable de courir, d’ailleurs il n’était pas méchant.

Un jour, Goaker traversa le bourg en fin d’après-midi et prit le chemin des Dunes de Sainte Marguerite. Une chance, le car de Jean Pronost était au bourg et s’apprêtait à aller aux Dunes. A la suite d’une demande collective, Jean, qui n’avait personne dans son car, accepta de nous embarquer jusqu’aux Dunes pour retrouver Goaker aperçu en cours de route. Arrivés aux Dunes, il n’y avait qu’à attendre Goaker et le retour du car.

Goaker, que rien ne pressait, mit un certain temps pour arriver aux Dunes, quant au car il n’avait pas d’heure fixe pour revenir à Lannilis. Sa journée étant terminée, Jean Pronost, qui connaissait beaucoup de monde, n’était pas pressé de revenir, si bien que ce n’est qu’à la nuit tombante que nous avons retrouvés nos parents extrêmement inquiets. Je pourrais citer bien d’autres souvenirs sans importance mais qui faisaient la vie de chaque jour.

CONTAUT – HOURTIN (33) 1932-1936

Il y avait à Contaut une base aéronavale, des hydravions, qui décollaient et atterrissaient sur l’étang d’Hourtin. Nous y avons vécu de 1932 à 1936. J’ai des souvenirs assez précis.
Nous habitions une maison dont les propriétaires passaient leur temps dans la forêt où ils extrayaient de la sève des pins. Ils étaient d’ailleurs nombreux à effectuer ce travail. Ils revenaient donc en fin de semaine. Il y avait une fille qui, je crois, a épousé plus tard un maçon. A Contaut, il y avait une école dans la forêt avec une classe unique. J’ai eu un maître que j’aimais beaucoup. Puis une maitresse que j’aimais beaucoup moins, Mme Bernede. Elle était la femme d’un maçon. Je me souviens qu’un jour nous étions 2 ou 3 à avoir été punis. Elle nous avait ramenés chez elle et pour cela il avait fallu passer devant notre maison. Elle avait dû nous garder une heure ou deux.
L’été, nous allions souvent à l’étang pour nous baigner. Je ne me souviens plus de la distance mais à mon avis c’était assez loin. Nous y allions à pied. Un dimanche, des voisins qui possédaient une voiture (rare à l’époque) avaient proposé de me ramener à ma plus grande joie. Mais nous avions eu un accident au retour, la voiture était rentrée dans un arbre et je m’étais retrouvé avec le nez qui saignait. Stupeur de mes parents qui en revenant à pied avait découvert la voiture accidentée.
Je me souviens de plusieurs camarades : garçons et filles qui sont d’ailleurs sur une photo d’école (Titou, le Renou, Denise Vigourou, Solange). Nous avions des amis, M et Mme Capitaine et leurs fils André (Dédé) plus jeune que moi. Ils étaient de Landevennec et le père était infirmier, dans la marine évidemment. Nous les avons retrouvés à Brest plus tard. Nous sortions souvent ensemble le dimanche pour nous promener à pied en forêt et nous passions souvent Noël ensemble. L’après-midi du réveillon, nos pères nous emmenaient faire une promenade dans la forêt. Quand nous entendions des bruits, c’était évidemment le Père-Noël qui arrivait et en rentrant à la maison, nous trouvions les jouets que nos mères avaient disposés au pied de la cheminée.
Dans la maison que nous habitions, il y avait un grand jardin avec une balançoire et un trapèze. Au fond du jardin il y avait un débarras. Nous y avons aussi élevé des poules, que ni mon père ni moi n’avons eu le courage de tuer. C’était M Capitaine qui s’en chargeait. Au moment de notre départ, nous nous sommes retrouvés à manger des poules tous les jours à en être dégoutés. A Contaut, j’ai appris à pêcher à la ligne. La pêche était loin d’être miraculeuse mais j’y ai passé plusieurs jeudis après-midi. Le problème était de trouver les asticots.

BREST 1936 – 1940

Après Contaut, nous nous sommes retrouvés à Landéda en attendant une nouvelle affectation de mon père. Un jour mon père nous a annoncé sa désignation de 2 ans à Beyrouth. Il disait que c’était tentant mais en fait il n’était pas très emballé. En cherchant une autre affectation, finalement il a trouvé un remplaçant et s’est trouvé affecté au dépôt de Brest.
Nous avons donc retrouvé Brest de 1936 à 1942. Nous avons trouvé un appartement dans une maison neuve, à Landais près de Recouvrance, un nouveau quartier.
Cette maison venait d ‘être terminée. Le propriétaire, M Russo, était un ancien marin originaire du midi et sa femme, de Brest. Il y avait 4 appartements, dont 3 étaient loués à des marins. Les propriétaires se réservaient celui du rez-de-chaussée.
En fait, l’appartement se composait de 2 pièces, une pièce servait de cuisine salle à manger et la deuxième était la chambre. Le Landais à l’époque était un quartier neuf. Pour les jeunes, c’était un espace pour jouer et se retrouver car proche des fortifications et vestiges de Vauban. L’école se trouvait à Recouvrance, rue Vauban. D’un côté il y avait l’école publique et de l’autre l’école libre Saint Sauveur. Je me suis retrouvé à Saint Sauveur. Mon séjour à Brest se situe donc entre mes 8 et 12 ans, je garde de bons souvenirs de l’école où j’ai eu de très bons camarades. Brest est d’ailleurs resté pour moi une ville de cœur.
Mon premier maître a été M Gourvennec, célibataire qui vivait avec sa mère et sa sœur au Landais. Ensuite, j’ai l’abbé Olhu que j’aimais beaucoup, le courant passait bien entre nous. Puis l’année suivante, j’ai eu l’abbé Leve. A la rentrée 1939, mobilisation et déclaration de guerre : nos abbés ont été mobilisés et nous nous sommes retrouvés avec Mme Quemeneur et Melle Cloarec, qui était jeune et charmante, fiancée à un officier de marine.

Comme je l’ai déjà dit, j’avais de bons camarades que j’ai perdus de vue sauf deux, Maurice Caudan et Louis Quillec que j’ai retrouvés à l’IPO à Nantes. Le père de Maurice Caudan était dans la marine de commerce. Son bateau a été coulé au début de la guerre ce qui nous a touché évidemment.
Louis Quillec, dit P’ti Louis, était le fils d’un boulanger. Je citerai d’autres camarades perdus de vue. Robert Bozec, dont les parents tenaient une boulangerie à Recouvrance, Yves Lannule qui était tout frisé, dont le père était ouvrier à l’Arsenal, Jacques Milin, Roger Yven…
L’école Saint Sauveur, comme son nom l’indique, était une école libre. Nous récitions donc la prière tous les matins et la messe était pratiquement obligatoire le dimanche.
A l’église St Sauveur à Recouvrance, j’ai fait ma confirmation et première communion en 1939 et à cette occasion j’ai eu la charge de l’acte de consécration. Il y avait aussi le patronage de Recouvrance où j’allais de temps en temps le jeudi et où il y avait surtout le cinéma. Nous y allions quelques fois aussi le dimanche pour revoir le film. Le prix d’entrée était de 5 centimes.
J’ai donc fait l’école primaire à Saint Sauveur jusqu’au certificat d’études que j’ai eu à 12 ans, juste avant la déclaration de la guerre. Mes parents auraient souhaité sans plus que je fasse ensuite une école professionnelle. L’école Saint Louis était dans la continuité de l’école Saint Sauveur.
Je voulais aller au lycée même s’il n’y avait pas de camarades de quartier. Le lycée à l’époque c’était des années d’études pour aboutir à quoi ? Je ne savais pas trop mais l’objectif était le bac. Or le bac ne conduisait pas à un métier. En entrant au lycée à 12 ans en 6ième , je perdais une année alors il me fallait entrer directement en 5ème en passant un examen mais avec le handicap d’une année de langue étrangère de retard. Mes parents ont quand même préparé un dossier. J’ai donc passé avec succès l’entrée directe en 5ème avant les vacances.

Et puis il y a eu juin 1940… l’invasion de la France par les Allemands. Le départ de la marine de Brest. Mon père comme les autres est parti sans que nous sachions pour où. Nous avons appris par la suite qu’il était à Casablanca. Ma mère et moi sommes partis à Landéda, c’est là que nous avons vu l’arrivée des Allemands.
A la rentrée, l’école a repris normalement. Je suis donc rentré au lycée de Brest (au petit lycée) en octobre 1940. J’y allais donc suivant les horaires avec Réné Guivarch ou Robert Chapalin, qui lui était au grand lycée en seconde.
J’ai suivi des cours d’anglais pour rattraper l’année de retard. Je garde un excellent souvenir de 5ème B au lycée. Année qui a été interrompue en avril 1941 au moment des vacances de Pâques à la suite d’un bombardement des Anglais particulièrement important. Il avait fait une centaine de victimes de la population civile.

Nous nous sommes refugiés à Lannilis chez M et Mme Cabon, qui avaient un garçon, Jacques, qui était en 1ère à Lesneven et qui s’est noyé quelques mois après, ainsi que des jumelles Hélène et Yvonne qui étaient charmantes.
Le repli à Lannilis a été un tournant. Brest, c’était fini.

CASABLANCA-MAROC 1941-1945

Nous sommes partis pour le Maroc en mai 1941.
Partis de Brest par le train, nous sommes arrivés à Marseille après avoir franchi la ligne de démarcation. Soulagement de se trouver en zone libre et de ne plus voir les Allemands.
Mon père nous attendait à Marseille.
Nous y avons passé quelques jours avant de prendre le bateau pour Oran. Premier contact avec l’Afrique du Nord.
Ensuite nous avons fait Oran – Casablanca par le train.
A Casa, nous sommes restés à l’hôtel pendant un certain temps. Il y avait aussi la difficulté de logement.
Un jour, mon père arrive du travail et nous annonce que par l’intermédiaire d’un ami nous allions avoir un logement. Coup du sort, la personne qui nous a procuré l’appartement avait pris mon père pour un autre mais le coup était parti.

Nous nous sommes retrouvés dans un grand immeuble avec une cour intérieure, habité par des Espagnols, des Italiens, des juifs, quelques français refugiés comme nous, donc des familles de militaires. C’était un peu la cour des miracles et l’ensemble était appelé la caserne. Il se trouvait rue du Caporal Beaux entre le boulevard de Marseille et le boulevard de Lorraine. C’est là que nous devrons rester jusqu’en 1945.
En arrivant, nous avons pris contact avec le lycée. Je n’étais pas allé en classe depuis avril, nous étions en mai. C’était bientôt les vacances, il n’était pas question que je reprenne les cours avant les vacances.
J’avais fait 2 trimestres en 5ème à Brest et pour ne pas perdre une année, il fallait réussir à entrer en 4ème mais pour cela il fallait passer un examen de passage en septembre. Examen passé avec succès donc pas de retard et finalement je me suis bien adapté en 4ième .
Là, j’ai retrouvé d’autres fils de marin. J’ai fait la connaissance d’espagnols, d’italiens, des fils de « pieds noirs » dont les parents étaient arrivés au Maroc après la 1ère guerre mondiale, quelques juifs, fils de commerçants, quelques arabes également.

Je garde un bon souvenir du lycée Lyautey où j’ai donc passé la 4ème, 3ème, 2nde et 1ère. Les professeurs n’étaient pas mauvais non plus, certains réfugiés de France, d’autres ayant fait leurs études au Maroc.
Je devais retrouver en octobre 1942 un camarade du lycée de Brest, Jacques Balandard, son père était ingénieur des travaux maritimes. Il devait devenir un de mes meilleurs amis. Nous sommes allés jusqu’au bac ensemble à Casa puis nous nous sommes retrouvés en Mathelem à Brest en 45_46. Après quoi je suis parti à Nantes, lui a fait math sup à Brest puis l’Institut de Chimie à Rennes. Depuis, nous avons toujours été très proches, nous nous sommes retrouvés en région parisienne. En novembre 1942, le 8 exactement, un évènement important et inattendu. Le débarquement des forces alliés en Afrique du Nord. Le matin, de bonne heure, des avions américains ont survolé Casa en lançant des tracs annonçant le débarquement. Les forces françaises dépendant de Vichy ont résisté, la marine en particulier. Il y a eu de nombreuses victimes, beaucoup de bretons bien sûr, des navires coulés, la Marine étant particulièrement hostile aux alliés. Les combats ont duré 3 jours puis les Américains sont entrés à Casa. Après les durs combats et les victimes, l’accueil n’a pas été ce qu’il aurait dû être. Après le débarquement des alliés et la mobilisation qui s’en est suivie, il y a eu des remplaçants, jeunes souvent et souvent des femmes ou des jeunes filles. Je me souviens en particulier d’une jeune professeure d’allemand que nous faisions souvent enrager, et de deux sœurs prof de physique chimie dont le frère quelques mois plus tard a été tué en Tunisie. Je me souviens d’un prof de français M Rolland qui m’a profondément marqué. Bechele était le prof d’allemand. Un prof d’anglais, que nous avions surnommé Moutonné – allez savoir pourquoi – était le plus chahuté de toute ma carrière d’étudiant. Il manquait totalement d’autorité.
Beaucoup des profs étaient pétainistes et arboraient la francisque de la légion française des combattants.
Tous les mois ou toutes les semaines, nous avions le droit au salut aux couleurs le matin avec le chant, évidemment, du « Maréchal, nous voilà ». Les mouvements de jeunesse étaient développés et souvent évidemment pétainistes. J’ai toujours été allergique à l’embrigadement. La seule chose que j’ai acceptée volontairement a été de faire partie de l’équipe de football du lycée. J’ai même été capitaine de l’équipe. Nous allions nous entrainer à l’« Aviation » à la sortie de Casablanca. J’ai donc fait la 4ème et la 3ème dans un centre d’exercices. Je m’étais inscrit avec quelques camarades au Brevet de fin d’études du 1 cycle, à la fin de la 3ème . On ne sait jamais, il valait mieux avoir un diplôme sanctionnant une étape des études. Nous n’étions que quelques-uns  à nous présenter à l’examen qui était facultatif et n’avait rien à voir avec le passage en 2nde . J’ai été reçu à cet examen et en seconde sans problème. La 1ère pas de problème, passage du 1er bac en fin d’année scolaire. C’était important puisque nous pensions déjà au rapatriement en France.

Le 8 juin 1945, donc quelques temps avant la fin des examens, nous avons été perturbés par la fin de la guerre et les manifestations qui s’en sont suivies. Fêtes dans les rues, défilés, descentes au lycée des filles pour les faire participer.

Juin 45 : passage avec succès du 1er bac, à l’époque cela représentait sans doute plus qu’aujourd’hui. Satisfaction de l’objectif atteint. Et après ? Il fallait passer le 2ème bac et songer à l’avenir.
D’ailleurs cette période de l’adolescence est extraordinaire, on peut se dire que tout est possible. Nous sommes alors tous des Napoléons en puissance et puis on suit tous notre destinée.
En août, nous sommes rentrés en France. Rapatriement de « réfugiés » par forteresse volante (bombardier) un peu transformée pour les passagers …Nous sommes arrivés par une tempête si bien qu’au lieu d’atterrir à Marignane nous avons atterris à Istres. Pour un baptême de l’air c’était choisi ! A l’époque les avions volaient dans les zones de perturbations atmosphériques : salut les trous d’air ! Au début l’hôtesse de l’air nous avait distribué des sacs en papier, nous nous demandions pourquoi, nous avons compris peu à peu.
Transport en car de Istres à Marseille puis train Marseille Paris et enfin Paris Brest. Premier contact avec la ville pratiquement détruite. Des ruines partout où était le Brest d’antan ? Mais déjà la reconstruction avait recommencé.

LANNILIS – LANDEDA 1945 – 1946

Nous avons retrouvé notre logement à Lannilis. Inscription au Lycée de Brest en MATH ELEM. Le lycée était installé dans des baraquements place de la Liberté, en centre-ville.
C’est probablement l’année la plus difficile que j’ai passée pour les conditions de travail. Il fallait prendre le car au bourg de Lannilis à 6H30 du matin, arrivée à Brest à 7h30, les cours commencent à 8H. Le soir, en fonction de la fin des cours, il fallait reprendre le car à 17 ou 18H. Un nouvelle fois une heure de trajet retour. Outre le fait qu’il y avait beaucoup de temps de perdu, j’essayais quand même d’apprendre dans le car, le matin plus facilement mais ce n’était pas toujours aisé.
Bref l’année s’est terminée. Épreuves écrites à Brest. Je n’étais pas très content de moi. Je n’étais pas sûr d’être admissible. Et puis quelques jours après, visite de mon ami Jacques Ballandard qui me dit que nous étions admissibles et que les oraux étaient le lendemain à Quimper. Aller de Lannilis à Quimper n’était pas facile. J’ai couché chez mon ami Jacques et le lendemain Brest – Quimper.
J’ai un souvenir marquant de cet oral, j’avais à peu près bien passé toutes les matières sauf les sciences naturelles. J’étais tombé sur le système lymphatique. Je me suis trouvé sec, incapable de dire quoi que ce soit. En rentrant, j’étais assez pessimiste et puis quelques jours après j’ai appris la bonne nouvelle, j’étais reçu.

Durant les vacances, nous avons déménagé de Lannilis à Landéda. Nous avons récupéré la maison de Poulcansot. Une maison ancienne, sans aucun confort. Il y avait de la terre battue au rez-de-chaussée et pas de salle de bain évidemment.

Et maintenant … Je voulais m’orienter vers des études d’ingénieur. Il n’était pas question de faire math sup et math spé pour faire Centrale ou Polytechnique. Mes ambitions étaient plus modestes. Je souhaitais à l’époque entrer au chemin de fer. Allez savoir pourquoi ? La carrière militaire ne m’attirait pas. Pas d’attrait pour la préparation à Navale.
J’avais donc recherché des écoles d’ingénieur dont le diplôme donnait accès à un certain échelon à la SNCF. Il y avait une école d’ingénieur à Marseille et puis il y avait l’Institut Polytechnique de l’ouest (I.P.O) à Nantes. Celui-ci était plus sympathique et plus proche. Demande de renseignements, dossier à remplir. Il y avait un concours d’entrée et 3 années d’études, possibilité d’avoir également la licence s sciences. J’ai donc préparé le dossier. Nantes, c’était très bien mais nous ne connaissions personne. J’ai eu un coup de pouce du destin !
En août, des voisins et cousins par la même occasion reçoivent des amis de Nantes. Le problème du logement est posé. Par chance ils connaissent une voisine institutrice à la retraite qui vit seule et loue une pièce dans son pigeonnier à un étudiant.
Les personnes rentrent à Nantes, voit la propriétaire Mme Beloeil et le marché est conclu en 15 jours avant la date de l’examen.
Pour prendre contact avec Nantes et pour préparer l’examen, me voilà Bd St Aignan. Je fais connaissance avec Mme Beloeil, personne assez âgée, assez autoritaire et me voilà dans le pigeonnier.
Le jour J arrive … si j’avais échoué qu’en aurait-il été ?
En fait le problème ne s’est pas posé. En maths je me retrouve devant un problème entièrement en trigonométrie que je détestais… Inspiration ? je le fais en entier …et bien !
Je me retrouve 2ème au concours d’entrée.

NANTES 1946 – 1950

Je commence vraiment une vie d’étudiant. Je retrouve un copain de l’école Saint- Sauveur que je n’avais plus vu depuis 1940. L’hiver 46 a été terrible. Aux vacances de Noël, je viens à Landéda. Mon père était à l’époque au service d’engagement de la Marine à Rennes. C’était donc pratique. En fin de semaine, il venait de temps en temps à Landéda voir ma mère ou à Nantes me voir. Cet hiver-là, j’ai été malade un moment. Je toussais. Je pensais que ça finirait bien par passer comme ça. Je passe une visite médicale et le médecin me dit « Mais vous faites une pleurésie ! ». Pour moi il n’était pas question de m’arrêter…et puis cela a passé…comme ça…
De temps en temps, je mangeais à la cantine avec les copains ou je revenais à la maison et je me débrouillais. J’avais la hantise de ne pas couter trop cher.
La famille était donc divisée. L’hiver à Landéda pour ma mère n’était pas très gai. Je m’étais donc mis dans l’idée de chercher quelque chose à Nantes. En en parlant comme ça dans les commerces, à la boulangerie en particulier. La boulangère me parle un jour de quelque chose à louer chez un voisin. Il s’agissait d’une maison cossue en bordure de boulevard, habitée par des personnes âgées et ayant une bonne, Marie de St Jacut. Il y avait un garage et au-dessus, un 2 pièces donc pas très grand avec cuisine et une chambre. Je pris contact avec les propriétaires. Un week-end mon père vint à Nantes, nouvelle rencontre et ça marche. Voilà, ma mère vint ainsi habiter à Nantes. A partir de ce moment-là, je n’ai plus connu la vraie vie d’étudiant puisque je mangeais et logeais chez moi.
Fin de la première année, tout se passe bien. Passage en 2ème année. De plus expédition à Rennes pour passer un certificat de licence de Mathématiques Générales, le cours suivi à Nantes correspondait au programme de licence. Reçu à Math Géné. Cette expédition avait été l’occasion de moments joyeux et de chahut à Nantes.
2ème année. Rien de spécial. Tout se passe bien. Sauf, ce qui était général, échec à l’examen Mécanique Rationnelle. Échec de presque toute la promo sauf un ou deux. Échec aussi à calcul différentiel et intégral, ce qui était la norme.
3ème année. Contre toute attente échec à l’examen de sortie. Je me retrouve 1er des recalés. Je ne m’y attendais pas. Les résultats au cours de l’année sans être brillants n’avaient pas été catastrophiques. Je pense, sans en être sûr, qu’il y avait eu une sanction. Au cours de travaux pratiques de physiques que nous faisions à 4, j’étais dans un groupe avec mon copain Jean Larzul et 2 filles qui faisaient leur licence de sciences. Or au cours d’une manipulation une des filles avait cassé un flacon qui coutait cher et qui compromettait le TP (exercices de travaux pratiques).
M Fournerery, directeur adjoint et responsable de cours de TP Physique, a mis cela sur le dos des garçons et je pense en avoir subi en partie les conséquences. Cet échec fut assez douloureux, il fallait faire une année supplémentaire avec les frais que cela occasionnait… ou abandonner.
Consolation : réussite à un examen de licence Mécanique Physique passé à Nantes, le directeur de l’école M Schmidt était en charge des cours à Rennes comme à Nantes. 4ème année, nous sommes à 6 ou 7 dans la promo et c’est de plus la dernière année I.P.O.

Le Directeur M Schmidt avait réussi à transformer l’école en École Nationale Supérieure d’Ingénieurs. Un certain nombre d’écoles dépendant des facultés de sciences avait donc subi la transformation – chaque école gardant sa spécialité. Le concours d’entrée était le même pour l’ensemble des écoles et les études duraient 4 ans. Une année préparatoire et 3 ans d’études.
La 4ème année se passe sans histoire. Fin 1950, j’obtiens mon diplôme I.P.O. J’obtiens aussi un 3ème certificat de licence Physique appliquée après une aventure que je raconterai plus loin. Nanti du diplôme, que faire ? Pendant l’année, une idée m’était venue. Je voulais me spécialiser dans le froid. Pour obtenir le diplôme d’Ingénieur frigoriste, il fallait suivre des cours du soir au Conservatoire national des Arts et Métiers. Donc pendant le jour, il fallait trouver un travail.
Qu’à cela ne tienne, je prends l’annuaire du téléphone, je repère toutes les entreprises s’occupant de froid dans la région parisienne et j’écris tous azimuts. Pas de réponse ou réponse négative ou … réponse d’attente.
Un jour un ancien général de l’armement et ayant comme adjoint, Paul le Rolland, dit PoPaul, me dit : Pourquoi vous ne viendriez pas à l’ISMCM (Institut Supérieur des Matériaux et Constructions Mécaniques) ? Il parlait de faire une année d’études en plus afin d’être diplômé d’une école de spécialisation, d’avoir plusieurs avantages non négligeables, comme une bourse mensuelle de 30000F de l’époque, ce qui permettait de vivre.
En principe, outre le fait d’être titulaire d’un diplôme, il fallait également avoir travaillé au moins un an dans l’industrie. Mais comme c’était la 2ème année de l’Institut, l’accès fut facilité.

PARIS 1950 – 1951

Donc de nouveau, coup du destin !
N’ayant pas de réponse pour travailler dans le froid, je pose ma candidature à l’ISMCM. Elle est acceptée et je me retrouve à Paris en octobre 1950. J’avais l’intention de suivre également les cours du soir au CNAM. Mais j’ai vite abandonné compte tenu de l’emploi du temps à l’ISMCM. De nouveau, un problème de logement à Paris car nous ne connaissions personne.
Comme pour Nantes, mon père connaissait des gens à Rennes qui connaissait une dame d’un certain âge qui louait une chambre. Elle habitait au 33 rue Daguerre dans le 14ème … à 2 pas du Bd Raspail où se trouvait l’ISMCM. Affaire conclue, je débarque une quinzaine de jour avant le début des cours pour prendre contact, l’esprit plus dégagé qu’à l’arrivée à Nantes. L’hôtel du square, rue Boiland, est devenu notre annexe. Pierre le Bret a été le premier occupant. Il était au 100 rue Daguerre. Quinze jours de liberté à Paris, coup de foudre pour la capitale.
Début des cours où je retrouve LE BRET, CHERREL, RUFFIE, AUBERT, ALLAIN.

Les cours sont extras et les profs excellents. Je passe une année extraordinaire. J’avais même envisagé de préparer une thèse d’Ingénieur, Docteur sur 2 ans ! Mais en cours d’année, j’apprends que les sursitaires de la classe 48 qui ne résiliaient pas leur sursis en octobre 51 seraient dans l’obligation de faire 18 mois de service au lieu de 12. Or pas question de faire six mois de plus sous les drapeaux !
Dans la promo ISMCM, il y avait des gens envoyés par leur entreprise. En particulier GROSSET-ORANGE, ingénieurs du bureau d’études de la RNUR. En discutant avec eux, je m’étais juré de ne jamais rentrer chez Renault…Il y avait également un Ingénieur de l’Institut de Grenoble, LORIDON, un savoyard sympathique qui avait comme caractéristique de circuler à vélo à Paris.
L’année scolaire s’est terminée en juillet par un voyage d’études en Allemagne.
Après 15 jours de vacances, retour à Paris à l’hôtel du square, cette fois-ci pour préparer l’exam de fin d’études de l’ISMCM qui consistait à présenter un sujet de recherche. J’avais choisi le traitement par le froid. OUI, Je persévérai dans mon idée sur le froid. Hélas, je n’avais pas pu faire beaucoup de manipulations. Mon mémoire, qui consistait à faire une synthèse des études effectuées sur le sujet, s’est avéré plein d’intérêt. Nous avons tous été reçus. Fin des études en octobre 1951. Une page se tourne vers le service militaire.

LE SERVICE MILITAIRE – 1952

En tant que breton, fils et petit-fils de marin, j’aurais aimé bien sûr faire mon service dans la marine.
Hélas ! La porte se ferme. Pour faire son service dans les EOR, il fallait s’engager pour 18 mois. A l’époque, pour qui avait fait des études, il était bon de faire les Élèves Officiers de Reserve, c’est-à-dire suivre un cours pendant 6 mois, puis après la nomination d’aspirant passer 6 mois dans un régiment. J’effectue donc ma résiliation de sursis.
Quelle arme choisir ?
Autant choisir quelque chose qui pourrait être utile. J’opte donc pour le matériel, dans l’École des EOR, qui était à Fontainebleau pas très loin de Paris. Raison de plus de faire ce choix ! Ayant quitté Paris, j’étais à Landéda où j’attendais ma feuille de route.
Elle arriva … Affectation dans les Forces Terrestres Anti-aérienne à Nîmes … Ainsi, la réalité était loin du rêve !
Qu’à cela ne tienne. Pour aller à Nîmes, je prends le train pour Paris où je retrouve au passage copines et copains qui m’accompagnement à la gare d’Austerlitz … juste assez tôt pour voir partir le train…
Contretemps. Il y avait un train plus tard mais qui faisait l’omnibus dans le Massif central pour arriver vers midi à Nîmes.
Au fur et à mesure de l’approche de Nîmes, il n’y avait plus que des bidasses dans le train. A la gare de Nîmes, des camions attendaient les recrues.
Une caractéristique : cette année-là, la perspective de faire 18 mois pour les sursitaires à partir d’avril 52 avait eu pour conséquences la résiliation de sursis en masse. Conséquence : A Nîmes, au lieu de se retrouver 300 à 350 comme d’habitude, nous étions 1200.
D’autre part, les recrues arrivant à Nîmes avaient la possibilité de choisir une spécialité radar Transmission Matériel, ce qui aurait été mon cas si j’étais arrivé le matin. Arrivé avec la foule, je me suis retrouvé, sans pouvoir choisir, dans les sections artillerie. Étant donné notre nombre, il y eu au déjeuner une vraie pagaille – la nourriture et l’hébergement affreux- pour la discipline …. Le bordel !
Au bout de quelques jours, ils avaient décidé de nous diviser en 3 groupes :
   °  1/3 resterait à Nîmes pendant 2 mois
   °  1/3 irait à Palavas les Flots au bord de la mer pendant 2 mois
   °  1/3 irait à Montpellier pendant 2 mois.
Les rotations se feraient tous les 2 mois pendant les 6 mois de stage. Ensuite 6 mois à Coblence- RFA.

Ses brouillons et donc ce récit s’arrêtent malheureusement ici … Seule la time-line ci-dessous indiquera les moments clés de sa vie, qu’il avait probablement prévu de raconter.
Il entra comme ingénieur chez Renault en 1952 où il fit toute sa carrière jusqu’en 1986.

Il rencontra Cécile Ropers, originaire de Quimperlé, au Cercle des Bretons de Paris dans les années 1960. Il l’épousa, à Boulogne-Billancourt, le 9 décembre 1963. De cette union naquit, le 13 janvier 1965, une fille unique, Anne Louise, qui épousa Christophe en 1989. Il eut trois petits-enfants : Justine, Corentin et Théophile, pour son plus grand bonheur. 

Paul Pronost est décédé le 17 juin 2000. Malade d’un cancer, il fut emporté ce triste jour par une infection, de façon fulgurante. Cécile, son épouse, est décédée le 2 octobre 2004 des suites de la même maladie. Ils reposent tous les deux au cimetière de Lannilis, près de Landéda.